L’histoire du Havre de la découverte
Le Havre de la découverte accueille des groupes pour des visites guidées et autoguidées de l’attraction historique, avec un personnel costumé sympathique et bien informé.
Les établissements navals
Les origines du Havre de la découverte remontent à 1793, lorsque Sir John Graves Simcoe repère la baie de Penetanguishene comme lieu stratégique pour une base navale. La baie aux flancs abrupts et aux eaux profondes se présente comme un endroit idéal pour protéger et entretenir les navires. Elle pourrait également servir de lien vital entre York (Toronto) et le nord-ouest.
La guerre de 1812 entre la Grande-Bretagne et les États-Unis entraîne la construction d’un chantier naval actif à Penetanguishene. En 1817, la marine britannique, désireuse de patrouiller et de protéger les Grands Lacs supérieurs contre une future attaque, entreprend donc la construction des établissements navals.
Ceux-ci allaient bientôt accueillir de manière permanente les navires de guerre H.M.S Tecumseth et H.M.S. Newash. Plus tard, ces navires ont été débarrassés de leurs gréements et armements; ceux-ci ont été entreposés et leurs coques préservées.
D’autres navires (dont les navires de ravitaillement Bee, Mosquito et Wasp) transportaient des marchandises et des fournitures. En 1820, la base entretenait plus de 20 navires. Elle approvisionnait les postes britanniques du nord-ouest et abritait plus de 70 personnes, dont des officiers et leurs familles, des marins, des travailleurs civils et des soldats.
Les établissements navals étaient le lieu de résidence d’hiver du lieutenant Henry Wolsey Bayfield au début de sa carrière d’arpenteur. Le célèbre explorateur Sir John Franklin a aussi fait escale ici lors de sa deuxième expédition polaire en 1825.
L’établissement militaire : une nouvelle vie
À mesure que les relations avec les Américains s’améliorent, les Britanniques retirent progressivement leurs forces navales du Canada. En 1828, une force militaire britannique quitte l’île Drummond (qui fait maintenant partie du Michigan), lorsqu’elle est cédée aux Américains, et elle s’installe à Penetanguishene. De nombreux soldats et colons se joignent au petit contingent militaire. En 1834, la marine quitte et la base est désormais entièrement militaire. Les soldats continuent de faire leurs exercices quotidiens et les routines de la garnison sont maintenues; ils sont prêts pour la guerre. De remarquables quartiers d’officiers et casernes sont construits.
La communauté continue de croître. Les officiers britanniques, leurs familles et les marchands français s’installent dans la vie active avec les premiers résidents permanents. Ils sont rejoints par des retraités de l’armée britannique qui se sont installés dans le secteur. L’annuaire téléphonique actuel de Penetanguishene répertorie encore beaucoup de leurs noms de famille.
Navires historiques
H.M.S. Tecumseth
L’un des deux navires de guerre qui étaient entretenus aux établissements navals en 1817. Construit à l’origine à Chippewa en 1814, le H.M.S. Tecumseth a transporté des troupes et du ravitaillement au lendemain de la guerre de 1812.
Tout comme son navire jumeau, le H.M.S. Newash, le H.M.S. Tecumseth a finalement été dépouillé de son gréement et de ses armements et a été ancré en prévision d’une action ultérieure, qui ne s’est jamais matérialisée. Les navires ont fini par se détériorer et couler au fond de la baie de Penetanguishene.
H.M.S. Bee
Le Bee était l’un des trois principaux navires de transport des établissements navals. Gréé en goélette, il a été conçu pour naviguer dans les eaux des Grands Lacs. Le Bee assurait une liaison essentielle pour le transport de l’équipement et des fournitures. Ses navires jumeaux étaient le Mosquito et le Wasp.
Les bâtiments historiques racontent l’histoire de Havre de la découverte
L’arsenal maritime : des budgets restreints rendent les réparations difficiles
La marine britannique employait des civils au chantier naval pour entretenir les navires et les bâtiments. Différents corps de métier y travaillaient, notamment des scieurs, des charpentiers de marine et des forgerons, tous sous la direction du contremaître.
Le manque d’argent, de main-d’œuvre et de matériaux rendait difficile la réparation des navires et des bâtiments à Penetanguishene. Les restrictions budgétaires étaient courantes. L’exploitation de la fosse de sciage est lente, et les demandes pour une scierie à vapeur et des chaudières en cuivre pour le four à vapeur sont refusées. La nécessité d’effectuer des réparations à court terme sur de nombreux navires rend nécessaire l’utilisation de bois vert non séché. À l’automne 1820, deux des trois goélettes de transport avaient besoin de travaux importants, et le Tecumseth et le Newash se détérioraient. Les exigences d’une flotte de navires vieillissants ont rapidement dépassé les capacités du chantier naval qui rétrécissait comme peau de chagrin.
La caserne des marins : les désertions deviennent courantes
Les marins stationnés à Penetanguishene sont issus de milieux variés. Certains avaient participé aux guerres napoléoniennes et à celle de 1812. Beaucoup d’entre eux craignaient sans doute une affectation dans une base aussi éloignée. Mais à une époque où des milliers d’hommes de la marine cherchaient du travail, Penetanguishene offrait au moins un emploi avec une prime d’isolement en boni.
Il est probable que de nombreuses habitudes à bord des navires, comme dormir dans des hamacs et faire des tours de garde réguliers, aient été transposées à la vie sur terre à Penetanguishene. Après de longues journées passées à cultiver les jardins, à réparer les navires et les gréements, à manger du burgoo (ragoût préparé avec ce qui était disponible) et du biscuit de mer (pain plat utilisé lors des longs voyages), il arrivait que les hommes désertent. Les listes de rassemblement de l’époque étaient parsemées de D, une lettre indiquant qu’un marin avait déserté. L’ivresse était une échappatoire populaire, rendue possible en économisant les rations quotidiennes de grog (rhum).
La maison du commandant : un bureau à domicile avant l’heure
En 1819, la Marine royale choisit le capitaine Samuel Roberts pour commander la base de Penetanguishene. Le capitaine Roberts, était un officier de marine expérimenté jouissant d’une carrière prestigieuse, et cette nouvelle situation lui procurait une certaine sécurité financière après la guerre. Il a coordonné tout le personnel et toutes les activités de la base de Penetanguishene pendant deux ans. Ses fonctions consistaient à donner des ordres écrits, à inspecter les opérations et le financement, à approuver les estimations de fournitures, à surveiller les comportements et à agir en tant que magistrat.
La vie du capitaine Roberts à Penetanguishene s’adoucit quelque peu lorsqu’il obtient la permission d’y emmener sa femme Rosamond et sa sœur Letitia. Les femmes Roberts remarquent que la maison est en piètre état, écrivant en 1820 que le vent circule librement à travers la demeure et que, par temps pluvieux, l’eau monte au-dessus du plancher. Des réparations sont effectuées, mais le capitaine Roberts n’obtient pas de bureau séparé de ses quartiers d’habitation. Cela perturbe fortement la vie familiale courante.
La vie sociale aux établissements navals était parfois inexistante. Les femmes Roberts auraient passé la majeure partie de leur temps à s’adonner à des passe-temps comme des travaux d’aiguille, la lecture et l’écriture. Au sein de leur cercle social limité, elles devaient aussi recevoir à dîner, pour le thé et pour jouer aux cartes.
Comme l’ivresse publique étant courante, la famille Roberts se promenait rarement pendant la journée. Le lieutenant Bayfield note même que, bien que belles et épanouies, il craint que les femmes Roberts ne passent inaperçues dans les bois…
La maison de l’assistant-chirurgien : science et saignées
L’aide-chirurgien, le docteur Clement Todd, gérait tous les besoins médicaux. Le docteur Todd a joint les rangs de la marine britannique en 1812 et a été affecté à Penetanguishene en 1819. En 1821, il épouse Eliza Caldwell de Markham et le couple demeure aux établissements navals jusqu’en 1827.
En plus de travailler dans sa maison, le docteur Todd passe beaucoup de temps au petit hôpital situé au-delà de l’entrepôt original de la marine. Le ravitaillement était assuré par le chantier naval de Kingston et comprenait des draps et des couvertures, du thé, du sucre, du rhum, du vin, du jus de citron, du savon et des serviettes, des balances, des chauffe-plats et des chandelles. En tant que seul médecin de cet avant-poste isolé, le docteur Todd avait de nombreuses tâches à accomplir. Comme l’a écrit le capitaine Roberts, …la responsabilité inhérente au poste d’aide-chirurgien dans un avant-poste au Canada dépasse largement celle qu’il devrait assumer à bord d’un navire…
Les pratiques médicales du début du XIXe siècle étaient un mélange intéressant d’observation, de science et même de superstition. À cette époque, la recherche scientifique était populaire chez les professionnels de la santé d’Europe occidentale et de Grande-Bretagne. Pourtant, à la même époque, l’utilisation de sangsues (pour les saignées) était également très courante, à ce point qu’elles étaient rares entre 1800 et 1825, notamment dans les îles britanniques.
Le docteur Todd aurait eu accès à de l’information médicale à jour, et aurait probablement eu recours à des pratiques similaires. Il aurait toutefois aussi démontré un vif intérêt pour la botanique comme source de traitements médicaux. Il a d’ailleurs envoyé en Angleterre une collection de spécimens de plantes, ainsi que des dossiers personnels sur des phénomènes saisonniers et l’utilisation médicinale de plantes, pour des études complémentaires. En 1828, il publie un article académique. On pense que le docteur Todd est le premier à avoir consigné ce type d’observations au Haut-Canada.
Le cimetière : emporté par la solitude
Les tombes qui se trouvent ici (avec les pierres tombales originales) datent de la période militaire des établissements. La difficulté de voyager à cette époque est clairement illustrée par l’histoire d’une d’entre elles. Les soldats envoyés dans le Haut-Canada se rendaient d’abord au quartier général à Kingston ou à York, puis des détachements étaient envoyés dans de petits avant-postes comme Penetanguishene.
Les premiers régiments ont suivi les ornières boueuses de la route de Penetanguishene, qui allait de Penetanguishene au haut de la baie de Kempenfelt sur le lac Simcoe. C’est sur cette route, en juin 1831, que deux frères, les soldats John et Samuel McGarraty du 79e régiment, sont morts dans des circonstances étranges. Pendant le voyage, l’un des frères tombe malade et il est confié à la garde de l’autre. Lorsque leurs camarades reviennent avec de l’aide, les deux frères sont morts. On a dit que si la fièvre a tué l’un d’eux, la terreur d’être seul dans les bois aurait tué l’autre.
La maison du cartographe : établissement de la carte des Grands Lacs
« …mon ambition est de faire un travail si parfait qu’il ne sera pas aisé de l’améliorer… »
(Henry W. Bayfield, 1831)
Aucune phrase ne pourrait mieux résumer la vie et la carrière du lieutenant Henry Bayfield, hydrographe méticuleux de la Marine royale. L’hydrographie (la mesure et la description des eaux) était un concept relativement nouveau lorsqu’il prit le commandement de l’arpentage des Grands Lacs en 1817.
Au cours de l’été 1820, lui et son équipage couvrent les ports du lac Érié et la côte est du lac Huron, arpentant 6 000 îles. Une maison comprenant un bureau est construite à Penetanguishene pour le lieutenant Bayfield, et il passe l’hiver à tracer des données pour de futurs travaux de cartographie. À la mi-mai 1821, la glace qui recouvre la baie Georgienne a encore 10 pouces d’épaisseur, mais à la fin du mois, le lieutenant Bayfield et son équipage sont tout de même de retour au travail, cartographiant avec précision jusqu’à 100 îles par jour.
Les écrits du lieutenant Bayfield sur les étés passés sur le lac Huron nous donnent une idée de la difficulté de sa tâche. Lui et son équipage étaient fréquemment à l’extérieur jusqu’en novembre ou décembre, s’abritant la nuit sous leurs petits bateaux avec des voiles comme couverture. Seule la fumée de leur feu de camp les protégeait des moustiques, et leurs provisions se détérioraient souvent. Des épidémies de scorbut ont été constatées en 1820 et 1821, et au cours d’une expédition, le lieutenant Bayfield et ses hommes ont dû capturer des corbeaux et des mouettes pour se nourrir.
Après avoir terminé l’arpentage du lac Huron en 1823, le lieutenant Bayfield entreprend l’arpentage du lac Supérieur, du fleuve Saint-Laurent et de certaines parties des Maritimes et du Labrador. Il prend sa retraite en tant qu’amiral en 1867 et passe ses dernières années confortablement à Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard, où il meurt à l’âge de 90 ans en 1885. L’œuvre de sa vie constitue toujours la base de nombreuses cartes de navigation actuelles.
La maison Keating : assurer la continuité
James Keating a été capitaine-adjudant du fort de la base militaire de Penetanguishene pendant 20 ans. En tant qu’adjudant, le capitaine Keating était responsable de coordonner tous les aspects du fonctionnement global de la garnison. Il assurait la continuité de l’ensemble de l’appareil militaire à Penetanguishene. Alors que d’autres officiers supérieurs allaient et venaient d’un bout à l’autre du Canada, au gré des rotations de leurs détachements, le capitaine-adjudant Keating était toujours présent pour maintenir l’organisation et faire office d’autorité.
Quartiers des officiers : récitals et pièces de théâtre
Construit dans les années 1830, l’impressionnant quartier général des officiers est le seul bâtiment d’origine encore existant à Havre de la découverte. Comme dans toutes les régions du Haut-Canada, les officiers militaires de Penetanguishene étaient privilégiés. Le quartier des officiers offrait un grand confort aux responsables des unités de la garnison. Et, étant donné qu’une grande partie de la supervision quotidienne était déléguée aux subordonnés, les officiers de rang supérieur avaient souvent du temps à consacrer à des activités culturelles et récréatives, comme des récitals et du théâtre, à divertir les dignitaires locaux et à assister à des événements sportifs.